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Salgado a eu une vie exceptionnelle, de la teneur des grandes destinées. L’homme est né dans le Brésil rural. il étudie l’économie puis s'exile à Paris en 69 et trouve un boulot à la banque mondiale. Sa vie aurait pu se dérouler entre voyages d’affaires, famille et hobbys. Mais Salgado est démangé par quelque chose qui occupe de plus en plus son esprit : la photo. Au point d’investir dans du matériel pro, de quitter son boulot et de s'y lancer à cœur perdu… Le reste est narré dans un vaste récit, palpitant et abrupt, qui nous mène du Sahel au Rwanda, en passant par l’ex-Yougoslavie ou le mouvement des sans-terre au Brésil. L’histoire personnelle du photographe cède le pas à l’étendue des drames et à l’immensité de la détresse. Nous traversons plus d’un demi-siècle d’une Histoire à laquelle nous appartenons encore, dans ses excès où l’indicible côtoie une tenace beauté.

Wenders est un immense documentariste, qu’il s’empare de la vie d’un cinéaste (Ozu dans Tokyo-ga) ou des musiciens du Buena Vista Social Club. Ici, accompagné du fils du photographe avec lequel il co-réalise, il parvient à utiliser les photos au mieux, à garder leur essence, leur puissance d’évocation et d’émotion, tout en ajoutant mouvement, récit et réflexion qui font du Sel de la terre un grand film de cinéma. Majestueuse ode à la vie et aux vivants, Le sel de la terre est aussi l’histoire d’une reconstruction ; un message d’espoir doublé d’un appel écologique. L’œil de Wenders reste collé à l’œil de Salgado : deux paires d’yeux pour nous révéler à notre propre humanité, par le regard de l’Autre et celui qu’on pose sur lui.